Courte homélie du Père Placide Deseille à propos de la fête de la Nativité du Seigneur.
21 Δεκεμβρίου 2011
(Liminaire de la «Lettre aux amis des Monastères Saint Antoine & Protection de la Mère de Dieu», année 2009)
Le premier janvier est le début de l’année civile. Mais c’est le premier septembre qui marque le début de l’année chrétienne. Je dis bien : de l’année chrétienne, car ce premier septembre n’est pas simplement le commencement de l’année liturgique. Ou plutôt, c’est parce qu’avec lui commence l’année liturgique qu’il est le début de l’année chrétienne. En effet, la liturgie et tout le cycle liturgique ne sont pas seulement un aspect de notre vie chrétienne, mais c’est ce cycle liturgique qui doit structurer toute notre vie spirituelle, toute notre vie de chrétien. Il en est la source principale. Ne nous disons jamais : « Oh, cette année, je n’irai pas à l’église pour la Nativité de la Mère de Dieu, ou pour l’Exaltation de la Croix, ou pour la Sainte Rencontre ; j’ai autre chose à faire. » Ce serait rater un degré de cette échelle au sommet de laquelle le Christ nous attend, ce serait brûler une étape importante de notre transformation en Christ. Si, chaque année, nous parcourons ainsi toute la vie terrestre du Seigneur, — bientôt le mystère de sa naissance, puis la Théophanie de son baptême, sa retraite de quarante jours au désert, — notre Carême, — sa Passion, sa Résurrection, l’envoi du Saint-Esprit au jour de la Pentecôte et l’immense floraison de sainteté qui en a résulté pour l’ Église, — c’est pour que nous en vivions toujours plus profondément, toujours avec une intelligence renouvelée, pour que toujours nous en percevions davantage, au fond de notre cœur, la saveur merveilleuse.
Chaque fête de l’année possède sa grâce propre, chaque fête nous configure au Christ selon un aspect particulier de son Mystère. Quand, lors de la fête toute proche de Noël, nous faisons mémoire de sa Nativité, cela signifie qu’elle redevient actuelle pour nous, qu’à cette occasion le Seigneur veut toujours naître davantage dans nos cœurs, toujours davantage nous transformer en Lui. Mais à cette fête s’attache particulièrement une grâce d’enfance spirituelle. Le Christ a été enfant il y a deux mille ans, dans la grotte de Bethléem. Mais cette divine enfance terrestre ne faisait que refléter un aspect que le Verbe de Dieu possède de toute éternité : si, de toute éternité, il est « l’Ancien des Jours », il n’en possède pas moins, au sein de cette éternité, quelque chose d’indicible qui évoque les caractères de l’enfance ; si j’ose dire, il est éternellement enfant, son enfance terrestre est comme éternisée, et c’est pour cela qu’en toute exactitude théologique, nos icônes peuvent le représenter comme un enfant, soit dans son sommeil vigilant, soit dans la crèche, soit dans les bras de sa Mère toute sainte. De telles représentations ne nous renvoient pas à un passé révolu, elles nous révèlent une réalité toujours actuelle, toujours présente.
C’est cet esprit d’enfance que le Christ veut particulièrement vivre en nous en ce temps de Noël. De saint Macaire d’Egypte à Joseph l’Hésychaste, nombreux sont les auteurs spirituels qui ont eux-mêmes fait cette expérience, qu’ils nous ont transmise et recommandée à travers leurs écrits. « Et de même qu’une mère qui enseigne à marcher à son petit enfant s’éloigne de lui et l’appelle, et quand, venant vers elle, il se met à trembler et tombe à cause de la fragilité et de la délicatesse de ses pieds et de ses jambes, elle court et le prend dans ses bras, ainsi la grâce de Dieu tient et enseigne les hommes qui en toute pureté et simplicité se sont confiés aux mains de leur Créateur, ont de tout leur cœur renoncé au monde et marchent à sa suite (Saint Isaac Le Syrien, Discours ascétiques, 51, 7).
Dès le lendemain de Noël, nous célébrerons la Synaxe de la Mère de Dieu. Toute l’année liturgique sera jalonnée de ses fêtes. Elle est indissociable des mystère de son divin Fils, et c’est grâce à sa maternelle intercession que nous pouvons participer à ceux- ci. Elle est notre Mère : ce n’est pas là une pieuse imagination, mais une indubitable vérité théologique, enracinée dans toute la tradition. Parce que la nature humaine du Christ est la nature humaine du Verbe, et non d’une personne humaine limitée, elle contient en elle-même d’une façon mystérieuse, mais très réelle, tous les hommes ; le Christ est le Nouvel Adam. Aussi, en le mettant au monde, sa Mère toute sainte nous engendre tous, elle devient réellement, en lui, notre Mère, et c’est ce qui fonde son universelle intercession et médiation en notre faveur.
Tels sont les dons de Dieu que je vous souhaite en cette fête de Noël, si proche maintenant. Et qu’il vous comble de sa paix et de sa joie tout au long de cette année nouvelle.
Archimandrite Placide.