Le Père Serge Chévitch (1903-1987), un Starets Russe en Île de France. Biographie (3)
9 Μαρτίου 2010
À la banque, son travail n’était pas très accaparant et lui laissait beaucoup de temps libre. Il l’occupait alors à lire, à relire et à recopier des œuvres des Pères de l’Église. Il appréciait particulièrement les Apophtegmes des Pères du désert et l’Échelle de saint Jean Climaque qu’il recopia entièrement.
Menant de plus en plus une vie de prière et cherchant à mettre en application les enseignements des Pères dont il se nourrissait quotidiennement, Cyrille se sentit attiré par la vie monastique. Empêché de s’y engager immédiatement (il devait subvenir aux besoins matériels de sa famille et de deux servantes âgées), il menait cependant autant que possible la vie d’un moine « dans la ville ». En 1938, il confia son projet de devenir moine au Starets Silouane. Ce dernier lui donna sa bénédiction dans la dernière lettre qu’il écrivit, concluant celle-ci par un conseil qui allait se révéler prophétique : « Va et dis le plus possible aux gens : “Faites pénitence !” ». Écrite peu de jours avant la mort du Starets, elle fut trouvée sur sa table de travail par le Père Sophrony qui se chargea de la poster. Alors que Cyrille se disposait à se retirer au Mont-Athos, la guerre éclata.
En tant qu’ancien dirigeant du mouvement des « Jeunes Russes » et avec beaucoup de ses compatriotes jugés suspects par le gouvernement français à la suite du Pacte germano-soviétique, Cyrille fut arrêté à la fin du mois de mai de l’année 1940 et interné au camp de concentration du Vernet dans les Pyrénées. Libéré quelque temps après, il fut de nouveau arrêté, en juin 1941, par les autorités allemandes cette fois, le jour même de l’invasion du territoire soviétique par la Wehrmacht et de l’appel du patriarche Serge demandant aux orthodoxes russes du monde entier de contribuer à la défense de leur patrie. Cyrille fut alors interné au camp de Compiègne, futur centre d’orientation vers les camps de concentration situés en Allemagne.
Cette rude épreuve des camps lui fit ressentir en profondeur les limites et le tragique de l’existence terrestre. Cyrille occupa tout le temps de son internement à lire et à méditer la Bible dans sa totalité, et à approfondir sa pratique de la prière de Jésus selon l’exemple et les conseils d’un compagnon de captivité, le Père Séraphim, dont le cœur était animé d’une oraison incessante.
Lorsqu’il en sortit, il décida de réaliser sans plus tarder son projet de devenir moine. Il prononça ses vœux le 18 novembre 1941 sous le patronage de saint Serge de Valaam (fêté le 28 Juin). Il vécut alors auprès de son père spirituel, l’archimandrite Stéphane (Svetosarov), recteur de l’église de la Sainte-Trinité à Vanves (Hauts-de-Seine), qui l’initia à la vie monastique selon les traditions spirituelles du monastère de Valaam où il avait vécu.
Le Père Serge s’impliqua largement dans la vie de la paroisse, s’occupant notamment d’aider les fidèles en difficulté. Parmi eux se trouvait Georges (le futur Père Grégoire) Krug, un artiste de grand talent, qui avait appris et pratiqué l’iconographie en même temps que son ami Léonide Ouspensky, mais qui souffrait de troubles psychiques graves qui le plongeaient dans une angoisse et un désespoir profonds. Grâce aux soins et aux prières du Père Serge, l’état psychique de Georges Krug s’améliora peu à peu jusqu’à redevenir normal. Il deviendra moine auprès du Père Serge et allait se révéler comme l’un des plus grands iconographes de tous les temps, atteignant sous la direction du Starets des hauteurs spirituelles peu communes.