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La Turquie tergiverse sur le sort des minorités chrétiennes

4 Σεπτεμβρίου 2009

La Turquie tergiverse sur le sort des minorités chrétiennes

Armenian-Greek-Assyrian genocides

Armenian-Greek-Assyrian genocides

Alors que l’Année Saint-Paul qui vient de s’achever laissait espérer un assouplissement du statut des minorités religieuses en Turquie, leur situation concrète ne semble pas évoluer

Le gouvernement turc aurait finalement accepté d’étendre pour une durée indéterminée la possibilité de célébrer la messe dans l’église de Tarse, lieu de naissance de l’Apôtre Paul en Asie mineure. « Je suis confiant dans le fait que l’église de Tarse deviendra bientôt un centre de pèlerinage plutôt qu’un musée », a récemment déclaré sur Radio Vatican Mgr Luigi Padovese, vicaire apostolique d’Anatolie.

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Selon lui, cette décision serait due aux nombreux pèlerins venus visiter Tarse pendant l’Année Saint-Paul, close en juin dernier : « Pour la première fois, les musulmans turcs ont été les témoins de chrétiens venus, non comme touristes, mais en pèlerins priants. Leur dévotion a fait une forte impression sur les Turcs », a-t-il expliqué.

La décision de rendre au culte l’église de Tarse intervient quelques semaines seulement après une autre déclaration officielle annonçant, au contraire, que l’édifice, saisi en 1943 par le gouvernement, redevenait un musée.

Les chrétiens auraient pu continuer à y prier, voire célébrer, mais à condition de réserver à l’avance, de payer un ticket d’entrée et de ne pas gêner l’activité du musée… De nombreux responsables chrétiens avaient alors déploré cette décision, estimant que la liberté religieuse n’avait pas réellement évolué en Turquie.

Une évolution de la situation juridique des chrétiens

Du coup, selon Mgr Padovese, Ankara serait prêt à faire de Tarse un lieu de pèlerinage. « Un peu de pression publique est utile, mais seulement si elle s’enracine dans l’amour de la Turquie et une réelle volonté de voir la liberté religieuse grandir dans le pays », estime le vicaire apostolique, selon qui les chrétiens d’Europe doivent continuer à demander une solution permanente.

Cette décision s’inscrit dans le cadre plus large d’une évolution de la situation juridique des chrétiens en Turquie. Le 15 août dernier, sur l’île de Büyükada, au large d’Istanbul, le premier ministre Recep Tayyip Erdogan, accompagné de quatre ministres, a rencontré des responsables de confessions non musulmanes du pays (orthodoxes, arméniens, juifs, syriens-orthodoxes, syriens-catholiques).

Selon le chef du gouvernement, cette rencontre devait « aider à trouver une solution aux difficultés auxquelles les minorités religieuses font face dans le pays ». À cette occasion, les responsables religieux lui ont remis un rapport signalant 88 cas problématiques dans leurs relations avec l’État turc : Recep Tayyip Erdogan leur a promis des « réformes démocratiques » sur le sujet.

Il s’est ensuite longuement entretenu avec le patriarche œcuménique Bartholomeos Ier de Constantinople – ce que beaucoup ont vu comme une reconnaissance implicite du statut du Patriarcat œcuménique –, avant d’aller visiter l’ancien orphelinat orthodoxe de l’île : un immense bâtiment en bois, saisi dans les années 1960 par le gouvernement et dont la Cour européenne des droits de l’homme a demandé l’année dernière la restitution à l’Église.

Un test sur lequel la Turquie sera jugée

« Il nous a donné beaucoup d’espoir et nous sommes optimistes », a déclaré Bartholomeos Ier à l’agence Asianews. Le patriarche de Constantinople a d’ailleurs invité le premier ministre à venir au Phanar (siège du Patriarcat, à Istanbul), ainsi qu’au séminaire orthodoxe de Halki. La réouverture de celui-ci sera le test sur lequel la Turquie sera jugée. « Nous pensons que le premier ministre est en train de chercher un moyen pour rouvrir l’institut », estime-t-on au Patriarcat.

Beaucoup se demandent toutefois si le gouvernement turc ira cette fois au-delà des déclarations. « Nous entendons de belles paroles, mais concrètement les choses ne bougent pas beaucoup pour les chrétiens », regrette un observateur sur le terrain.

Pour Asianews, il faut prendre en compte « la réputation de Janus » de Recep Tayyip Erdogan : « En décembre prochain, le premier ministre devra faire état des progrès de la Turquie face aux demandes européennes sur sa candidature à l’Union européenne, explique cette agence catholique, spécialisée sur les questions religieuses en Asie. Il n’a que très peu de résultats sur ce sujet. »

Des “incidents”

De fait, la Cour européenne des droits de l’homme doit encore statuer sur de nombreux cas de violations de propriété de l’Église orthodoxe par le gouvernement ; en mars, elle a ainsi donné raison à une paroisse dont l’État refusait de reconnaître les propriétés.

D’autres « incidents » sont en outre rapportés, comme cette église de Silivri, près d’Istanbul, récemment transformée en mosquée par la municipalité, ou encore des marqueurs apposés sur les habitations de chrétiens dans certains quartiers d’Istanbul.

Selon un parlementaire turc, des autocollants de couleur ont été récemment collés sur des maisons grecques ou arméniennes des quartiers stambouliotes de Feriköy et Kurtulus. « Je ne pense pas qu’il s’agisse de menaces religieuses, estime toutefois Mgr Louis-Armel Pelâtre, vicaire apostolique d’Istanbul. Il faut regarder cela davantage comme une question politique : beaucoup de gens sont contre la démocratisation de la Turquie et veulent créer des difficultés au gouvernement, espérant freiner l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. »

Nicolas SENÈZE

http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2391663&rubId=4079